Life during Wartime 2

Asgels se leva de son canapé. Il re-remarqua la grosse tache de café qu’il avait renversé. Elle était à présent clairsemée de sauce tomate de son plat de pâtes d’hier. Ou était-ce avant-hier ? Quelle importance de toutes façons. Qu’elles viennent du futur, rien de fondamental ne changerait. Son déjeuner et son dîner sont constants, pâtes à la sauce tomate. Fusilli pour être plus précis, cuits jusqu’à ce qu’ils soient légèrement fondants. Tomates fraîches, coupées en deux dans le sens horizontal, râpées de façon à ne garder que l’épluchure en main. Il avait commencé à empiler les épluchures pour essayer de constituer, sur le moyen terme, une forme architecturale. Qu’il n’avait pas encore conceptualisée. Il comptait sur le pourrissement progressif pour s’inspirer. Chauffer de l’huile d’olive et verser la sauce tomate. Saler. Ajouter des herbes. Origan et cerfeuil, c’est phonétiquement violent. Alterner deux minutes de feu doux et deux minutes de vif, jusqu’à ce que la sauce prenne de la consistance. Quand il sentait son estomac rongé par le reflux, il rajoutait un peu de lait pour atténuer l’acidité de la tomate. Il avait arrêté toutes les montres de sa maison à 11h23. « Je suis né à 11h24 » avait il dit à son chat qui lui répondit par un miaulement avant de se nettoyer l’oreille. Qu'il fasse nuit, qu'il fasse jour, quelle importance. Toute source de lumière externe était soigneusement bloquée.

Il prit l’échelle pour accéder au débarras au dessus de la salle de bain, et redescendit le poing docilement fermé, puis se dirigea, après avoir attrapé sa caméra au passage, dans la deuxième chambre à coucher. Il avait entièrement vidé celle-ci et l’avait repeinte en noir, y compris le sol. Il appela son chat. Blanc. Quand celui-ci fut entré dans la chambre noire, il ferma la porte et desserra son poing. Deux souris- blanches- s’en échappèrent. Il commença à mitrailler son chat à la poursuite des rongeurs. Il espérait vraiment que les souris allaient bien résister aujourd’hui, qu’elles rendraient son chat féroce, qu’il les éclaterait entre ses crocs, qu’il aspergerait le sol de leur sang avant de s’en aller le trophée pendouillant de sa gueule. Sa vision du sang lui rappela le café-sauce tomate du canapé.

Le carnage escompté n’ayant pas eu lieu- il pensa un moment à amener des rats, c’était trop facile les souris- il remonta au débarras et prit quatre souris. Avec de la super glue, il les colla sur la cible d’un jeu de fléchettes. Les souris frétillaient. Lui, pendant ce temps, aiguisait ses fléchettes. Il testait la pointe en l’appliquant légèrement sur son index. Tant qu’elle ne transperçait pas sa chair, il continuait.

Vivement 11h24